à Vaiare, le 07 septembre 2017
ASSOCIATION DES VOILIERS EN POLYNÉSIE
Association loi de 1901, fondée en 1981
avp.tahiti@gmail.com – http://avp.over-blog.org
Réf : AVP-170901
Pièces Jointes :
- Analyses d'eau Marina Taina (2 pages)
- Propositions de mouillages (35 pages)
Objet : Propositions de modifications du nouveau projet PGEM de Moorea
Cher Tavana,
La communauté des voiliers utilisateurs des zones de mouillage de Moorea a récemment été conviée par vos services à une réunion concernant le nouveau projet de PGEM de Moorea, et nous vous en sommes très reconnaissants.
Cela a été l’occasion pour les deux entités de faire connaissance, et de faire remonter nos besoins, craintes et attentes, mais aussi faire prendre conscience de notre mode de vie et de notre insertion dans la vie économique de l’île. Dans le but de recueillir les avis de tous, il a été décidé de nommer un représentant par catégorie de voiliers concernés, et de réunir les utilisateurs en amont afin de synthétiser leurs propositions et vous les présenter.
Je vous prie donc de bien vouloir trouver ci dessous le résumé des grandes lignes qui sont ressorties de nos échanges.
Je tiens par ailleurs à vous préciser que les mouvements contestataires ayant émergés rapidement sous forme de pétitions jusqu’à aujourd’hui, représentent la crainte réelle des plaisanciers, et l’AVP tient à s’engager désormais dans un dialogue, et nous l’espérons une étroite collaboration pour que votre projet aboutisse avec l’accord de tous.
Sincères salutations,
Adrien DEL PIA
Secrétaire
Association des Voiliers en Polynésie
Préambule aux propositions :
Dans le cadre de la refonte du PGEM de Moorea, l'Association des Voiliers en Polynésie, qui représente et agit depuis sa création en 1981 pour le compte de l'ensemble des plaisanciers et navigateurs à la voile présents au Fenua, souhaite apporter une contribution qu'elle espère constructive à cette œuvre d'intérêt général.
En effet, il apparaît que - selon les exigences propres à chacun - les avis divergent sur les meilleures solutions à adopter pour le futur plan de gestion de l'espace maritime.
L'Association des Voiliers en Polynésie souhaite en préambule attirer l'attention de ses interlocuteurs et des administrations concernées sur deux points importants :
- D'abord, notre position n'est nullement partisane, et n'a absolument pas vocation à défendre les intérêts des plaisanciers, au détriment des autres groupes d'intérêts (pêcheurs, résidents...). L'ensemble de notre réflexion a été guidé par le souci permanent de concilier les souhaits de chacun, d'une part, tout en conservant une approche spécifique à la navigation à la voile qui permette de dégager une solution harmonieuse et consensuelle d'autre part.
En effet, il ne faut pas perdre de vue que, nonobstant des comportements très isolés générés par des individus qui de toute évidence méconnaissent les règles les plus élémentaires du savoir vivre et du respect d'autrui, jamais Moorea n'a eu à déplorer d'incidents ou d'accidents causés par des navigateurs indélicats, et les voiliers ont toujours su jouir des beautés de l'île sans porter préjudice ni nuire à quiconque.
L'ensemble des plaisanciers est désireux de maintenir cette relation de qualité qui les unit à Moorea, et de se montrer respectueux des lois et règlements, pour autant que leurs droits fondamentaux soient respectés.
- Ensuite et c'est le second point, la navigation à la voile est soumise à d'innombrables contraintes, au premier rang desquelles l'exigence de sécurité est une préoccupation constante. Il n'est jamais anodin de jeter son ancre, pour une heure ou une semaine, et la solution des corps morts est une chimère, car elle ne fait que déplacer les problèmes et les responsabilités. Que le propriétaire du corps mort exige ou pas un paiement en contrepartie, il devient ipso facto - en droit - débiteur d'une obligation de sécurité, puisqu'il s'engage par là même à garantir le navire qui utilisera cette infrastructure. Se posent alors tellement de questions de droit que le problème est sans fin : qui va financer l'installation des corps morts ? Qui va les entretenir ? Qui va les surveiller ? Qui va financer leurs réparations ? Qui va les attribuer ? Selon quels critères ? Quelles seront les responsabilités encourues si un corps mort cède et qu'un bateau est précipité sur le récif ? Auprès de quelle compagnie souscrire les assurances ad'hoc ? Quel sera le coût de ces assurances ? Qu'en serait-il en cas de cyclone ? Etc...
À ce titre, les marins réaffirment leur volonté de conserver leur autonomie et de ne rien demander à personne, et certainement pas la fourniture de corps morts par définition source de problèmes potentiels, tels qu'évoqués ci-dessus. Il faut pour cela qu'il leur soit laissé la possibilité d'aller mouiller dans un endroit sûr, où ils pourront tout mettre en œuvre par eux-mêmes pour faire en sorte que leur passage à Moorea ne laisse aucune trace, si ce n'est celle des dépenses qu'ils vont effecteur dans les commerces locaux !
En somme, les plaisanciers sollicitent que leurs droits les plus essentiels - parmi lesquels celui d'aller et venir librement, qui est garanti par la Constitution - soient respectés, de la même façon qu'ils entendent, par leur comportement respecter l'environnement, les résidents et les règles qui seront instituées par le futur PGEM.
À cet égard et à titre préliminaire, les voiliers entendent qu'il leur soit donné acte des faits suivants :
1 - Respect de l'environnement et des écosystèmes
À une exception près, qui fera l'objet d'une disposition particulière ci-après, l'ensemble des mouillages fréquentés par les plaisanciers est situé dans des zones à fond de sable (ou de vase), de sorte que nous ne pouvons occasionner aucun dommage ou aucune nuisance au récif corallien ou aux fonds marins, pas plus qu'aux écosystèmes présents dans le lagon.
À ce titre, il faut noter que l'article 21 de l'actuel PGEM autorise le mouillage des bateaux "uniquement sur les fonds de sable", ce qui confirme que cette solution est de loin la plus simple et la plus écologique. En outre, l'étude réalisée par RESCUE en octobre 2016 concernant précisément les travaux de ré-ensablement de la plage de Tahiamanu confirme la pauvreté écologique du sable lagonaire (absence d'algues endémiques, absence de faune piscicole...). Ceci est encore confirmé par le fait que de nombreux hôtels "sucent" le sable des lagons pour refaire leurs plages, procédé qui ne serait pas autorisé s'il était écologiquement impactant.
De même, la force des courants notamment garantit l'innocuité des rejets éventuels des bateaux sur la qualité de l'eau, et une simple analyse bactériologique comme celle effectuée à Raiatea ou encore à Tahiti permet de le prouver sans contestation possible (voir analyses en pièces jointes). Les marins réaffirment leur volonté de préserver la nature et les richesses subaquatiques de Moorea, ce qui est parfaitement compatible avec l'usage des ancres sur les fonds précités, puisqu'elles ne peuvent causer aucun dégât.
Surabondamment, il est à noter que l'immense majorité des navigateurs ne rejette pas ou peu de déchets (certains même les trie et tous ne se défont que des déchets biodégradables) et que les bateaux à voiles figurent parmi les moyens de locomotion les moins polluants du monde. Une récente étude effectuée à Raiatea, dans le cadre d'une concertation identique, a démontré que la présence de nombreux voiliers dans un mouillage avait un impact pollution quasi nul.
2 - Respect des résidents et des habitations
À l'heure actuelle, tous les mouillages fréquentés par les voiliers sont relativement éloignés des habitations et des riverains, jusqu'à 500 mètres et plus dans la majorité des cas, de sorte que la présence des bateaux à voile aux mouillages habituellement utilisés jusqu'à ce jour - et ultérieurement dans le cadre du nouveau PGEM - est in-susceptible de générer quelque nuisance que ce soit, visuelle, sonore ou olfactive.
Mieux encore et dans la majorité des cas, il n'y a pas de riverains à proximité immédiate des mouillages occupés par les voiliers.
Les marins réaffirment leur volonté de vivre leur passion de la mer en bonne intelligence avec les riverains, et de continuer à partager avec eux, dans le cadre des échanges qui se font immanquablement, le même amour et le même respect de l'île de Moorea.
3 - Respect des bons usages de la navigation et des règles de sécurité
Chacune des propositions formulées présentement tient obligatoirement compte des impératifs spécifiques liés à la navigation à la voile, et en particulier la nécessité de pouvoir mouiller dans des endroits abrités, sur des sites peu profonds, en toute sécurité. Une grande majorité des navigateurs reste de condition modeste, n'ayant souvent pour tout bien que leur bateau. Il convient de les distinguer des mega-yachts qui viennent occasionnellement à Moorea, et qui ne peuvent par définition être soumis aux mêmes obligations, compte tenu de leur consommation énergétique, leur longueur et leur tirant d'eau.
Par exemple, un modeste voilier de 11 mètres avec un mètre de tirant d'eau ne peut pas être astreint aux mêmes exigences qu'un yacht de 40 mètres calant 4,5 mètres de tirant d'eau qui va faire tourner ses moteurs et ses générateurs toute la journée pour alimenter ses climatisations, écrans plasma et autres grues, alors que dans le même temps le voilier va se dépêcher de couper ses moteurs pour goûter à la quiétude du lagon... et ne pas polluer !
Pour résumer, les plaisanciers assurent qu'ils ont pour préoccupation essentielle de préserver l'environnement dans lequel ils évoluent quotidiennement, ainsi que tous ses acteurs (lagon, faune, flore, pêcheurs, riverains...). Pour autant, ils ne peuvent le faire que si on ne les prive pas de deux chose essentielles auxquelles aucun marin digne de ce nom ne saurait renoncer, sauf à mettre en péril sa propre sécurité et celle d'autrui : la faculté de choisir un mouillage protégé en fonction des conditions météorologiques, et une autonomie suffisante pour y accéder ou en partir à tout moment.
Ces considérations d'ordre général étant faites, l’Association des Voiliers en Polynésie suggère de détailler ci-après, zone par zone, les mesures concrètes qui semblent opportunes pour la conciliation des intérêts de l'ensemble des intervenants, et en accord avec la volonté et les efforts du territoire pour développer le tourisme nautique en Polynésie.
ORANGE Jean-Paul
Ia Orana, Arnaud,
Tous mes encouragements à votre action, légitime et nécessaire, pour notre survie.
La lettre au Tavana de Moorea en pose parfaitement la problématique.
Il faut que tous, unis, ayons conscience des menaces qui nous guettent, mais en même temps, nous nous devons d’être irréprochables.
Jean-Paul Orange,
Voilier “Rangiroa”, Catana 40, Moorea.