Florent Gachod, secrétaire de l’AVP - Novembre 2019
90% des coques de bateaux sont en polyester, la production a commencé dans les années 70 en s’intensifiant jusque dans les années 80, et la durée de vie d’un bateau en composite est estimée à 40 ans : le recyclage c’est maintenant, on y est !
Il est urgent de créer une filière pour ces bateaux, elle existe déjà en France, reste à la créer en Polynésie, cela permettra de faire le ménage dans les bateaux abandonnés, de libérer de la place en marina au profit d’autres plaisanciers et de donner une image positive de notre plaisance. Tout le monde va y gagner !
1. L’abandon d’un bateau :
Mais pourquoi abandonne t’on son navire ? Il y a autant de raisons que d’histoires de bateaux ! Mais ce sont souvent des raisons ::
- Financières
- Familiales
- Médicales
- Manque de temps
- Perte d'intérêt
“Pour un plaisancier il est parfois plus facile d’abandonner son navire que de s’en occuper…”
Le propriétaire est responsable de son bateau, son abandon peut faire l'objet de poursuites pénales
Il faut anticiper cet abandon et accompagner le plaisancier dans une démarche volontaire.
2. La démarche volontaire :
‘Abandonner’, c’est parfois la solution de la dernière chance, il faut encadrer les fins de vies des bateaux, il faut rendre accessible les démarches administratives de recyclage et le tout gratuitement ! C’est déjà le cas en France depuis le 1er janvier 2019 (Article L541-10-10) - la seule contrainte du plaisancier est d’amener son bateau à un centre de déconstruction agréé.
La démarche volontaire est la solution car elle permet d’accompagner le plaisancier dans la déconstruction de son navire, elle permet surtout de limiter fortement le risque d’abandon.
3. Comment évacuer légalement un bateau abandonné ?
Tout comme une voiture un bateau est une propriété privée. On ne peut le déplacer, le modifier ou le détruire sans autorisation expresse du propriétaire, il existe cependant une procédure administrative permettant le retirement des épaves. En France le droit de propriété est relativement bien protégé, il faut donc que cette procédure soit bien respectée, cela peut se résumer à ça :
- L’autorité portuaire doit faire un constat de l’abandon ou de l’entrave
- Elle adresse au propriétaire une mise en demeure au propriétaire de mettre fin à l’abandon ou à l’entrave dans un délai de 1 à 3 mois (avec publicité)
- En cas de non réponse du propriétaire, l’autorité portuaire demande au préfet de département de prononcer la déchéance de propriété. Le préfet doit se prononcer dans un délai de 2 mois
- Si le préfet prononce la déchéance, l’autorité portuaire doit attendre 2 mois avant de procéder à la vente du navire (nécessité de publicité de la déchéance)
En théorie cette procédure peut durer 4 à 7 mois mais dans la pratique ce sera certainement plus long. Ref. :
- Le décret initial du 23 avril 2015 sur la déchéance
- Le décret en Polynésie du 23/04/2015 et l'arrêté du 12/08/2015
- Le texte expliqué : Nouvelles dispositions relatives aux navires abandonnées
Certains ports utilisent une procédure simplifiée différente qui permet de retirer ces bateaux plus rapidement :
- Etape 1 : Envoi au propriétaire d’un courrier de mise en garde
- Etape 2 : Si pas de réponse, envoi d’un courrier de mise en demeure
- Etape 3 : Si pas de réponse, le port met le bateau à terre, à la charge du propriétaire et à ses risques et périls.
- Etape 4 : Au bout d’un an et un jour il y a déchéance de propriété et le bateau peut être déconstruit.
4. Les étapes de déconstruction d’un bateau de plaisance :
Exemple d’une déconstruction en 9 étapes :
- 1. AUDIT : diagnostique environnementale comprenant une étude du site de stockage et du bateau
- 2. LA DÉSIMMATRICULATION du bateau, qui s’effectue auprès du bureau des Affaires Maritimes, puis sa RADIATION du registre de francisation à effectuer auprès des Douanes.
- 3. TRANSPORT : transfert du bateau vers le centre de déconstruction
- 4. DÉSARMEMENT : enlèvement du matériel et des équipements de navigation
- 5. DÉPOLLUTION : récupération des différents fluides (hydrocarbures, huile), batteries, …
- 6. ELIMINATION DES DÉCHETS DANGEREUX : traitement dans des installations spécifiques avec stockage ou incinération
- 7. DÉCONSTRUCTION SÉLECTIVE : déconstruction des différents éléments du bateau
- 8. LE DÉCHIQUETAGE et le broyage de la coque et du pont, c’est le tri des déchets et envoi vers les filières adaptées
- 9. LA VALORISATION DES DÉCHETS : dans les filières adaptées avec traçabilité.
plus d’info sur https://www.recyclermonbateau.fr/
5. Les différentes façon de recycler un bateau :
Le recyclage d’un bateau est complexe, il doit être encadré et organisé pour limiter l'impact sur l’environnement :
- Le broyage et l’enfouissement : c’est le plus répandu et c’est la solution la plus simple à mettre en place
- L’incinération :
- Brute (donc sans optimisation des matériaux)
- Sous forme de CSR (Combustible Solide de Réparation), c’est un ensemble de déchets non récupérables sous forme de granulés qui va servir à alimenter les cimenteries (par exemple), une très bonne alternative à l’énergie fossile !
- La valorisation : réemploi de la matière, la fibre/résine est intégrée à hauteur de 40% dans des produits assez divers (exemple : les soubassements de clôtures)
- Les bateaux en acier ou aluminium seront facilement valorisés
- Les bateaux en contreplaqué stratifié, les vernis, les colles, … sont difficilement recyclables, une incinération est souvent la seule solution.
- La réutilisation : donner une deuxième vie à un objet/matériau
6. S’organiser en créant une filière :
En Polynésie il faut créer un réseau du recyclage pour gérer efficacement la fin de vie des bateaux de plaisance. Ce réseau devra regrouper tous les acteurs pouvant aider à la déconstruction, depuis le retirement jusqu'au recyclage final du navire : administration, port de plaisance, chantier naval, association d’usagers, centre de traitement, etc …
Concrètement cela pourrait se résumer à :
- La DPAM et les Douanes
- Le Port autonome
- Les associations : le Cluster Maritime, l’AVP, la FEPSM,
- Les marinas : Taina, Papeete, YCT, Vaiare, Taravao, Apooiti,
- Les chantiers : Technimarine, TNC, Raiatea Carénage, CNISLV, MMS, Apataki Carénage
- Les entreprises de travaux sous-marins (renflouage et récupération)
- Le grutage, le transport
- Les centres de traitement : Fenua Ma, Technival et Enviropol
- Le CET (Centre d’Enfouissement Technique) de Paihoro
- Le CRT (Centre de Recyclage et de Transfert) de Motu Uta
- ...
L’ensemble de ce réseau sera géré par un éco-organisme qui structurera et coordonnera toute la filière. Elle aura pour but de :
- Sensibiliser et informer les plaisanciers
- Accompagner les chantiers navals et les ports dans les démarches administratives
- S’assurer du paiement de la déconstruction auprès des partenaires
- Réduire les coûts de déconstruction en proposant des partenariats et en globalisant les actions
7. Quel financement pour le recyclage ?
Le coût d’un recyclage complet d’un navire est onéreux, en France il faut compter en moyenne 200 euros par mètre (livraison sur site non comprise), mais certaines entreprises arrivent à faire baisser considérablement la facture en valorisant et en ré-utilisant les matériaux.
En France le financement du recyclage des bateaux se fait sur plusieurs niveaux :
- en demandant une éco-contribution aux fabricants du secteur nautique
- Dotation de l’état
- Taxe de navigation (DAFN), de 2% jusqu’au plafond de 5% en 2022
En Polynésie il faut adapter les financements à notre fenua :
- Taxe à l’entrée sur la zone de navigation de la Polynésie
- Dotation de l’état
- Subventions privées
Il est donc impératif d’organiser une filière de recyclage des bateaux avec valorisation des déchets en tout genre pour réduire les coûts de déconstruction des navires de plaisance. Cette filière servira aussi aux autres types de déchets, ménagers et surtout industriels.
L’enjeu est énorme, la tâche est colossale ! mais il faut agir maintenant car c’est l’avenir de notre fenua qui est en jeu.
LE RECYCLAGE C'EST L'AFFAIRE DE TOUS
Protégeons notre fenua pour nous et pour les générations futures.
Julie Billon-Galland
Bravo Florent ! C’est très clair et très instructif ! On sent la passion à travers tes mots. Bises Julie