Chassés par Moorea, les voiliers attaquent le PGEM
Article La Dépêche de Tahiti par Yan Roy - 6 décembre 2021
En octobre, l’association des voiliers en Polynésie (AVP) s’était insurgée contre la modification du plan de gestion de l’espace maritime (PGEM) de Moorea. Alors que l’ex-PGEM de 2004 prévoyait, pour les voiliers, une liberté totale d’ancrage sur les fonds de sable pour une durée de moins de 48 heures, le nouveau les bannit quasiment, avec un système de quotas « ridiculement faibles », selon l’AVP. Sur plus de 5 000 hectares de lagon autour de Moorea, seuls dix voiliers sont dorénavant autorisés à venir transiter une ou deux nuits maximum sur Moorea. Vingt autres mouillages, en fond de baies de Cook et Opunohu, sont plutôt destinés aux arrêts de longue durée.
Après s’être insurgée contre cet « acharnement », sans obtenir de rendez-vous avec le maire de Moorea, sans soutien visible du Pays – qui a validé ce PGEM par arrêté le 10 septembre –, l’AVP vient de se résoudre à attaquer ledit arrêté. Par un recours adressé au tribunal administratif le 17 novembre, l’association en demande l’annulation. C’est l’avocat Thibault Millet qui défend le dossier.
Pour obtenir gain de cause, l’association soulève de nombreux points. Par exemple, l’absence de justification notamment scientifique pour interdire globalement tout mouillage forain en dehors des zones dédiées, l’absence de justification notamment scientifique pour le nombre de mouillages proposés et pour les zones choisies ou encore un « problème de contradiction entre les restrictions du PGEM vis-à-vis des mouillages de voiliers et les orientations du gouvernement de Polynésie française favorable au développement de la plaisance ».
Des quotas « irrationnels »
Depuis la mise en place du nouveau PGEM, l’association des voiliers en Polynésie dénonce le caractère totalement irrationnel des mesures prises, le mépris et la stigmatisation de la plaisance.
Selon l’AVP, des questions simples, préalables à l’élaboration du document, auraient pu permettre d’éviter une situation intenable. Quand un voilier quitte Tahiti pour rejoindre Moorea, comment peut-il savoir s’il aura une place au mouillage ? Sachant qu’il lui faudra de 3 à 5 heures pour rejoindre un mouillage, comment peut-il savoir si le futur mouillage, libre au moment de son départ, ne sera pas occupé à son arrivée ?
Qui fera demi-tour en fin de journée pour trouver une éventuelle place ailleurs ? Sachant qu’il faudra au voilier plus de 2 heures supplémentaires pour rejoindre un autre mouillage, sans savoir s’il est aussi déjà occupé. Comment connaître le statut de chaque voilier présent au mouillage afin de déterminer quand il devra libérer sa place et à quel moment un nouveau voilier sera en mesure de rejoindre cette place laissée vacante ? Qui est en mesure d’évaluer la notion de « cas de force majeure » d’un voilier qui vient occuper « illégalement » un mouillage dont le quota est dépassé ? Et bien d’autres questions se posent, notamment celles de la sécurité et de l’accessibilité des mouillages, très profonds, au fond des deux baies.
Un recours pour sauver la plaisance à Moorea
Article Radio1.pf de Charlie Réné (voir sur le site pour les extraits audios) - 6 décembre 2021
L’Association des voiliers de Polynésie a déposé un recours contre le nouveau PGEM de Moorea, qui restreint drastiquement les possibilités de mouillage. Pour son président, cette règlementation, « inapplicable » et « injuste », stigmatise les plaisanciers « sur la base d’idées erronées ».
Après les propositions de discussion, les alertes et dénonciations, l’association des voiliers de Polynésie s’en remet à la justice. Comme l’écrivait La Dépêche de Tahiti ce matin, le collectif vient de déposer un recours contre le plan de gestion de l’espace maritime de Moorea. Un PGEM validé en septembre dernier, et qui restreint drastiquement les possibilités de mouillages dans les lagons de l’île Soeur. Trente places officiellement, une dizaine réellement adaptés à l’activité de plaisance. « Inconcevable », s’alarme le collectif pour qui cette décision, prise « sans concertation », risque de tuer la plaisance. Une activité, qui, d’après Arnaud Jordan, le président de l’association, souffre de nombreux préjugés : « les voiliers ne sont pas une source de pollution importante, ils paient de nombreuses taxes et des loyers », la plupart des propriétaires sont résidents Polynésiens – et disposent donc, en plus de leur corps-mort ou de leur place payante à la marina, d’un logement à terre… Quant aux voiliers de passage, ils sont eux aussi au centre d’une petite économie : « Ils dépensent en moyenne 450 000 francs par mois au fenua », détaille le responsable.
Le nouveau PGEM n’est pour l’instant pas appliqué, et pour cause : il est « complètement inadapté » dans la pratique, « parce qu’il a été fait sans aucune considération du terrain ». Une autre association, la fédération environnementale Aimeho To’u Ora, a d’ailleurs déposé un autre recours, pour des raisons différentes. Pour les voileux de Polynésie, l’important, c’est que les discussions reprennent sur ce dossier : « Nous ne sommes pas contre l’idée d’organiser les mouillages là où c’est nécessaire », reprend Arnaud Jordan.
Si cette nouvelle réglementation s’inscrit dans un contexte de défiance d’un certain nombre à l’égard des plaisanciers, le président de l’association rappelle que les rapports entre voiliers et les autres usagers du lagon « se passent globalement bien ». « Il faut souligner que la Polynésie reste une terre d’accueil, explique-t-il. Ce n’est que parfois que le climat est délétère et que des gens s’arrogent le droit de faire respecter leur loi dans des conditions quelques fois agressives. C’est ça qu’il faut absolument éviter ».
L'association des voiliers de Polynésie attaque le PGEM de Moorea
Article Polynesiela1ère de Corinne Tehetia - 6 décembre 2021 (voir sur le site pour l'extrait audio de Maître Thibaud Millet)
L’association des voiliers de Polynésie Française monte au créneau. Elle conteste la nouvelle mouture du PGEM de Moorea. Un recours a été déposé le mois dernier devant le tribunal administratif.
La version 2021 du Plan de Gestion des Espaces Maritimes de Moorea n'est du goût de l'association des voiliers de Polynésie. Un recours a été déposé devant le tribunal administratif. Selon son conseil, maître Thibaud Millet, ce texte ne reposerait sur aucun fondement. L'avocat met en exergue les nombreuses restrictions pour le secteur de la plaisance. Avec, par exemple, un temps divisé par deux dans les zones de mouillage, ou encore des sites historiques qui ne sont plus accessibles. Pour maître Thibaud Millet, cette nouvelle mouture du PGEM de Moorea ne règle aucun problème, bien au contraire.
Le recours devrait être étudié dans un délai de 6 à 7 mois. La plaisance est une manne financière pour le Pays. Un voilier rapporterait 450 000 francs par mois.