Suite à l’action de la Police du Port Autonome pour évincer des voiliers au mouillage devant l’Intercontinental à Faa’a et à la parution d’articles (Radio1 & la1ère, entre autres), l’AVP a pris l’initiative d’aller sur site pour faire un recensement des voiliers présents et prendre la température des ressentis de plaisanciers sur-place.
L’AVP y a croisé des propriétaires-résidents de voiliers de toutes tailles, des touristes de passage en voiliers, des épaves, des personnes qui ne peuvent ou ne veulent pas aller ailleurs. Il y a environ 60 bateaux concernés et cette première approche a permis de tenter de définir la situation de chacun : touristes de passage (pour quelle raison : médicale, approvisionnement, réparations, pas de place ailleurs), habitant- résidents (pour quelle raison, a demandé une place ?, pas capable de partir), habitants sur une épave, épaves inhabitée, …
(Voir l’article et le reportage de la 1ère sur le mouillage)
Concernant les épaves, Radio1 (https://www.radio1.pf/le-pays-engage-lenlevement-des-epaves/), et d’autres médias, en ont parlé et nous ne pouvons que se féliciter de cette initiative pour le retrait des épaves, qui aurait sûrement pu être menée bien plus tôt. Vaut mieux tard que jamais, réjouissons-nous de cette action.
Quant au reste des bateaux habités (résidents ou touristes de passage), qui pour la plupart sont en liste d'attente de marina et autres amarrages, ils ne trouvent tout simplement pas de place. Nulle part. Souvent aussi parce que les plus petits des bateaux (autour des 30 pieds) ne sont pas très rentables pour l'entreprise qui a la délégation de service public : la liste d'attente est arbitrée en fonction de la taille puisque les gros bateaux rapportent plus d'argent.
Ce mouillage est interdit depuis des années mais il a longtemps été toléré, de l'aveu même du directeur du Port autonome. Il se met à être strictement interdit à cause du projet de remblai pour le "Village tahitien" dont on a pas encore vu le premier coup de pelle. Il n'y aurait donc pas urgence absolue.
- Est-ce que le gouvernement n'aurait pas choisi la mauvaise date ? Les bateaux de grande plaisance seront partis avant la saison cyclonique.
- Est-ce que le gouvernement n'a pas choisi la mauvaise manière ? Privilégier les riches plaisanciers au détriment des plus petits.
- Est-ce que le gouvernement ne se tromperait pas de projet ? Les bateaux, accusés soi-disant de toutes les pollutions, vont donc être remplacés par des tonnes de remblai au détriment de ce qui est vivant dans le lagon pour la construction, éventuelle, du fameux « Village tahitien ».
Il y a la nécessité d'une zone tampon, d'ailleurs tolérée par le Port autonome pour les approvisionnements et les réparations. Tahiti est le « hub » de la transpacifique pour tous les tours-de-mondistes, ne serait-ce que pour des achats en tout genre, les formalités, l’accès aux avions, les réparations et entretien des voiliers, la consommation au quotidien, … Cela représente une niche financière non négligeable. L’étude d’impact de la plaisance sur l’économie de la Polynésie française avait montré que cette niche s’estimait à 4,77 milliards de XPF en 2020.
Envoyer ce type de message, en pleine saison touristique, est très clairement un mauvais signal pour la plaisance.
La Communauté des plaisanciers en Polynésie française nous interpelle sur le « virage chaotique » (cf les propos d’un plaisancier) qu’est en train de prendre les instances décideuses concernant la plaisance, sur Tahiti et ses îles. Il y a clairement de gros problèmes, surtout concernant les lieux et le nombre d’amarrages disponibles. La politique des « 36 mois » et la papeetisation très faible, par exemple, aurait pu être de très bonnes choses si les volontés politiques avaient continuer dans le même sens en développant le secteur de la plaisance (extension marina, amarrages, mise en place d’un « cruisin permit », …). Au lieu de cela, la stigmatisation de la communauté des plaisanciers en Polynésie française a été croissante depuis maintenant plusieurs années.
Par conséquent, nous voulons demander audience au gouvernement pour tenter de clarifier la situation et discuter de l’avenir de la plaisance en Polynésie française. Voici, à titre d’information, une première réflexion sur le courrier que nous enverrions au Gouvernement :
"Les voiliers en Polynésie sont regroupés en association d'usagers depuis 1981. Nous demandons respectueusement au gouvernement, et en particulier à son président de recevoir une délégation de notre association afin de participer à la résolution des nombreux problèmes que rencontre cette catégorie d'usagers, tant locaux que touristes.
On le voit particulièrement avec l'application récente de l'interdiction de mouillage dans la zone de Punaauia. Nous applaudissons au travail du Port Autonome pour l'élimination des épaves de la zone, mais sa stricte application :
- laisse désemparée les touristes qui ont besoin de faire une halte technique à Tahiti ;
- laisse sans solution les petits bateaux de plaisance qui ne trouvent pas de place dans les marinas du fait de leur faible intérêt financier pour elles ;
- oblige les habitants à trouver des corps-morts très éloignés de leur lieu de travail.
Nous avons dû attaquer au tribunal administratif, qui nous a donné partiellement raison, le travail collectif du PGEM de Moorea ce qui a conduit à sa suspension. Mais nous avons, là aussi, des propositions constructives
Nous serions heureux de proposer des solutions afin de mieux organiser la plaisance et d'apaiser les sources de conflits d'usage. Nous sommes pour la défense de l'espace public maritime et son partage pour tous les usagers, nous travaillons à faire connaître et appliquer des lois justes et reconnues par tous. C'est dans cet esprit que nous voudrions pouvoir vous rencontrer.
Veuillez agréer, M. le président, l'expression de nos plus respectueuses salutations"
En conclusion, une fois de plus comme le souligne le titre de l’article de La 1ère précédemment cité, « Les voiliers encore dans la ligne de mire ».
« Il est malheureusement beaucoup plus facile d’organiser un sentiment de défiance que de rechercher des solutions intelligentes. Le rêve polynésien comprend sa dimension maritime et le tourisme qui va avec, voiliers compris. » (propos d’un plaisancier réagissant aux derniers événements)
Loin de s’apitoyer sur notre sort, il va falloir réussir à faire comprendre aux autorités comment fonctionne la plaisance en général, car en alliant « bon sens », « coopération » et « arrêtés judicieux », il y a moyen de satisfaire tout le monde.
La plaisance peut devenir une niche économique importante en Polynésie française, encore faut-il le comprendre, le vouloir et bien la construire.