©Mairie de Punaauia
Le Port autonome demandait ce mardi devant le tribunal administratif l’expulsion de trois voiliers ancrés en baie de Vairai. Tous ont déjà été mis en demeure voilà plusieurs années de quitter cette zone interdite au mouillage. Mais les propriétaires disent n’avoir pas d’autre option : la marina Taina ne veut pas de bateaux habités, le port n’a pas de corps-mort à leur offrir… « On veut pouvoir payer nos poubelles, notre eau », insiste l’un d’eux, ébéniste à Tahiti, qui regrette un « matraquage anti-bateaux ». Le tribunal pourrait prononcer leur éviction fin mai sous astreinte de 10 000 francs par jour de retard.
Ils s’appellent l’Adamek, le Shangy Shamu et le Shark… Trois voiliers dont le Port autonome demandait ce mardi devant le tribunal administratif l’expulsion de la baie de Vairai, à Punaauia. Pas vraiment une action surprise pour l’établissement public, qui gère cette zone chère aux plaisanciers et objet de débat depuis longtemps. En 2020, alors que des travaux de terrassement étaient engagés sur le site de l’ex-futur-Village tahitien, la baie de Vairai et ses environs avait été classés en « zone d’interdiction de mouillage permanente ». Trois ans plus tard, et alors que des voiliers avaient déjà été « chassés » de zones interdites côté lagon, le directeur du port avait annoncé sa volonté de sévir sur le respect de l’interdiction à Vairai. Les propriétaires de l’Adamek, du Shangy Shamu et du Shark, ont donc tous reçu des mises en demeure, voire même des relances, à partir de 2023. Tous sont encore mouillés à l’ancre dans la zone interdite.
Devant le juge administratif, le Port autonome passe donc à la vitesse supérieure en demandant un ordre d’expulsion officiel sous astreinte financière. Une demande qui, sur le plan légal, ne fait pas débat pour le rapporteur public : « le mouillage et le stationnement de tout navire sont strictement interdits hors des zones dédiées autorisées ». Vu les délais déjà écoulés, le magistrat propose de laisser cinq jours aux propriétaires – après la notification du jugement – pour quitter les lieux. Et invite le tribunal à fixer à 10 000 francs par jour l’astreinte en cas d’inexécution. « Le Port autonome pourra en outre au terme de ce délai procéder ou faire procéder à l’expulsion des propriétaires à leurs frais et risques, en recourant, si nécessaire, au concours de la force publique », précise-t-il sur les trois dossiers.
« Matraquage anti-bateaux »
Cette réponse, selon toute vraisemblance, sera aussi celle du tribunal administratif. Mais dans la salle d’audience, ce mardi, un couple de propriétaires est tout de même venu « dire un mot ». Et il est plutôt simple : ce mouillage à l’ancre à Vairai, c’est leur « seule solution ». La seule en tout cas pour rester habiter sur leur bateau, le Shangy Shamu, un « choix de vie » fait voilà de longues années et qui les ont menés au fenua en 2022, où ils ont rejoint leurs enfants qui y travaillent. D’abord au port, ils ont dû libérer leur place au profit de plaisanciers de passage, et cherchent depuis à louer auprès du port une bouée légale, attachée à un corps-mort. « On est prêt à payer, mais on nous veut nulle part », résume ce couple, ébéniste pour l’un et artisane patentée pour l’autre.
Des bouées, dans la zone de Vairai et Taina, ou, plus loin, du côté de Faa’a, il s’en libère rarement, et aucune ne peut accueillir un voilier de plus de 15 tonnes. Le leur, construit en ferro-ciment, en fait 20. « Ce n’est pas une épave, il est très bien entretenu, c’est notre maison », reprennent les propriétaires, qui ont proposé au Port autonome de doubler, à leur frais une bouée existante, ou de réhabiliter des corps-morts plus importants dont la bouée a été coulée. Pas de réponse. « Ils ne nous proposent aucune solution », regrette ce couple qui s’étonne du « matraquage anti-bateaux » à Tahiti ou Moorea. Car il n’y pas plus de place sur l’île soeur. Quant à la marina Taina – « très chère » – elle refuse quoiqu’il arrive d’accueillir au long cours des voiliers habités. « Ce qu’on aimerait, c’est d’avoir une bouée, pour pouvoir se déplacer, partir en weekend tranquille et revenir à notre emplacement sans avoir d’ennuis, pouvoir payer nos poubelles, notre eau, faire travailler la communauté normalement, résume l’ébéniste. Qu’on puisse continuer à travailler ici et voir nos enfants, voilà ».