Un grand merci donc à Tahiti Tourisme, et à
Maïlee FAUGERAT qui nous a permis cette rencontre.
Un grand merci donc à Tahiti Tourisme, et à
Maïlee FAUGERAT qui nous a permis cette rencontre.Le monde de la plaisance est encore au centre de multiples tensions suite à une nouvelle agression survenue la semaine dernière sur l’île de Huahine. Aujourd’hui, l’ensemble des protagonistes souhaite un retour au dialogue et une prise en compte des institutions pour que chacun puisse en toute quiétude exercer son activité.
Le ciel s’assombri un peu plus sur le monde de la plaisance en Polynésie. Comme un vieux serpent de mer qui refait surface, la cohabitation entre les populations des îles et les usagers de la mer est toujours très fragile. Et l’agression d’une skipper la semaine dernière sur le quai de Fare, à Huahine, à remis de l’huile sur le feu.
Du côté des plaisanciers, la situation n’est pas encore critique, mais ils demandent aux institutions de prendre rapidement le problème en compte.
« Je pense que les pouvoirs publics pourraient nous aider à faire reculer ce sentiment d’intolérance vis-à-vis des voiliers, estime Arnaud Jordan, président de l’association des voiliers en Polynésie. Parce que les voiliers ne polluent pas, les voiliers ne gênent pas ou en tout cas s’ils gênent c’est parce qu’ils ne le savaient pas. Donc il y a de l’information à faire. Il y a vraiment des deux côtés, un pas les uns vers les autres. »
Même son de cloche du côté du collectif Tearai, créé en mai 2020. Il avait demandé aux autorités d’interdire aux bateaux de plaisance de mouiller sur certaines parties de l’île de Tahiti. Ce qui avait créé des tensions entre plaisanciers et riverains.
« Nous ne sommes pas contre ce tourisme-là, nous sommes pour le tourisme agréé, respectueux de l’environnement. C’est tout, indique Roland Barff, membre du collectif Tearai. La population en a marre de ces abus. Il n’y a pas de réglementation, il n’y a pas de contrôle. Que fait le gouvernement ? Ils sont à la manette de tout ça. Et nous, la population, on dit stop. »
Dénonçant un manque de législation et de dialogue, l’association des voiliers en Polynésie a parallèlement lancé il y a peu une charte de bonne conduite à destination des plaisanciers, afin de rassurer les riverains et les usagers des lagons.
« On veut que cette charte permette de montrer à tous que les plaisanciers sont des gens respectueux et que ce sont les derniers touristes qui sont en ce moment en Polynésie, confie le président de l’association des voiliers en Polynésie. C’est un tourisme résilient et non polluant. »
Les deux parties attendent maintenant que les autorités interviennent pour renouer le dialogue.
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Monsieur, Par correspondance électronique du 27 août 2020, vous avez interrogé Mon Établissement public sur les modalités d’applications concrètes de l’arrêté n° 650/CM du 02 juin 2020. Merci de trouver ci-après les observations qu’appellent de ma part vos demandes.
Le mouillage et le stationnement de tout navire étant strictement interdits, pour quelque durée et quelque navire que ce soient, dans la zone VAIRAI (article 3 de l’arrêté précité), mon Établissement public procèdera effectivement à l’expulsion de tous les navires en infraction.
Ces expulsions débuteront en principe dès que la zone de mouillage P6 aura été aménagée (pose de corps-morts), ce qui arrivera très vraisemblablement avant la fin de l’année.
J’attire votre attention sur le fait que les navires mouillant ou stationnant dans cette zone sont d’ores et déjà en infraction et donc passibles, dès aujourd’hui, de sanctions pénales. Il leur appartient de se rapprocher sans délais des marinas et/ou des autorités compétentes pour obtenir un poste d’amarrage ou une autorisation de mouillage sur corps-mort.
Ce ponton a été définitivement démonté et ne sera pas réinstallé.
Concernant les usagers de ce dernier : les voiliers au mouillage dans les zones P0 et P1 bénéficient déjà des infrastructures et équipements de la marina Taina, ce ponton ne leur est donc pas nécessaire ; quant aux voiliers au mouillage dans la zone VAIRAI, ce sont des occupants sans droits ni titre du domaine public maritime, ils n’ont donc aucun droit au maintien dudit ponton.
3. Sur le mouillage dans la zone P6
Aucun mouillage sur ancre n’est autorisé, ni toléré, dans la zone P6 conformément aux dispositions de l’article 5 de l’arrêté précité.
Des corps-morts y seront installés et proposés à la location avant la fin de l’année et la zone de mouillage sera délimitée conformément aux plans annexés à l’arrêté susmentionné.
Espérant avoir répondu à vos interrogations.
Cordialement,
Pour le Directeur général du Port autonome de Papeete, Monsieur Jean-Paul LE CAILL.
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Bonjour Monsieur,
En ce qui concerne la vitesse de circulation maritime, celle-ci est réglementée de manière générale par la délibération n°78-124 du 27 juillet 1978 portant règlementation de la circulation dans les lagons de la Polynésie française. Son article 2 précise que la vitesse doit être inférieure à 5 nœuds à moins de 70 mètres du rivage ou à moins de 70 mètres des installations de pêche fixes ou mobiles et des ouvrages portuaires (digues, quais, pontons, balisages, etc…). En dehors de ces limites, elle doit être telle que le pilote puisse garder le parfait contrôle de son navire quels que soient les circonstances et l’environnement, et telle qu’elle ne provoque pas des vagues pouvant occasionner des avaries aux embarcations à quai ou au mouillage.
D’autre part, la bande littorale des 300m s’applique aux zones de baignades. Ces dispositions relèvent du CGCT, le code général des collectivités territoriales, en son article L.2213-23, qui précise que le maire exerce la police des baignades et des activités nautiques à partir du rivage avec des engins de plage et des engins non immatriculés (comme les kayak, pirogue, paddle, pédalos, kite surf, etc…), jusqu’à une limite fixée à 300m à compter de la limite des eaux. Il faut donc comprendre cette limite de 300m comme la limite extérieure de la zone de baignade, son extension maximale, laquelle peut être plus petite, en fonction de la configuration de l’endroit. La zone de baignade doit être balisée, et de fait le chenal qui la borde le cas échéant. Cette police spéciale qui concerne la sécurité des personnes relève directement du maire.
Ces informations sont extraites du site internet de la DPAM : www.maritime.gov.pf
Vous trouverez en PJ les deux textes en référence, la délibération de 1978 et l'article L.2213-23 du CGCT extrait de légifrance.
Cordialement.
Yves HAUPERT, Direction Polynésienne des Affaires Maritimes
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Enquête– QUAND LA PLAISANCE DEVIENT DÉPLAISANTE !
Blog de Mediapart, revue Voiles et Voiliers, magazine Cruising World… Les articles à charge contre la gestion de la plaisance en Polynésie s’enchaînent dans la presse, ne cessant de ternir l’image de notre destination. Aussi, la volonté du maire de Moorea d’interdire le mouillage aux plaisanciers devant la plage de Ta’ahiamanu, après la mort de l’adolescent Eddie, a suscité l’incompréhension du monde de la mer, qui estime que le Pays doit revoir sa réglementation et offrir davantage d’infrastructures. Manque de marinas, places revues à la baisse dans le nouveau Plan de gestion de l’espace maritime (PGEM), pressions des élus et des riverains… l’accueil des voiliers est en berne au fenua !
Tahiti Pacifique N°443 du 20 novembre 2020
Le torchon brûle entre les plaisanciers, les pécheurs, les riverains et certaines communes. Au cœur du problème une règlementation parfois un peu flottante en ce qui concerne notamment les durées de mouillage des voiliers.
A Moorea, la mairie de Moorea réfléchit à un renforcement de la règlementation dans ses zones de mouillage. Un nouveau plan de gestion de l’espace maritime est en cours de finalisation. Il devrait être opérationnel d’ici le mois de novembre. "On va durcir cette régelementation pour dire qu'il faut quitter au-delà de 48h et ne plus revenir au bout d'un laps de temps", explique Ataria Firiapu, 1er adjoint au maire de Moorea-Maiao
A Mahina, la mairie est d’accord pour un mouillage de deux ou trois jours mais pas plusieurs mois. Quelle est la réglementation en vigueur ? Dans quelle mesure le mouillage est-il autorisé ?
L'invité café du jeudi 24 septembre est Arnaud Jordan, président de l'association des voiliers en Polynésie.
"Les voiliers font ce qu'on leur demande. Rester plusieurs mois au mouillage ? C'est un usage normal du domaine public, tant que cela ne gène pas les autres. (...) Lorsque l'on dit partout que le mouillage est interdit, c'est faux ; on met de fausses idées dans la tête des gens qui permettent des débordements. C'est dangereux pour les voiliers. Les voiliers rapportent de l'argent au Pays et respectent très largement le lagon. Nous ne sommes pas des nuisances, mais plutôt une chance".
Arnaud Jordan est interrogé en direct par téléphone par Ibrahim Ahmed Hazi :
Deux mois après le décès d’un adolescent britannique, percuté par un bateau alors qu’il faisait du snorkeling à proximité de la plage de Taahiamanu, et quelques jours après qu'une touriste autrichienne s'est également fait percuter à Patae, du côté de Vaiare, la question du balisage des zones de baignade à Moorea se pose toujours.
La plage de Taahiamanu attire du monde, aussi bien sur terre que sur mer. C’est dans ce chenal de Moorea que séjournent les voiliers et que fréquentent également les jet skis, les petits bateaux de pêche et de tourisme. Depuis l’accident de l’adolescent britannique, l’inquiétude des prestataires d’excursions touristiques ne cesse de grandir. Tous sont en attente de propositions.
Comme « bien ponctuer les voiliers, les baigneurs et les bateaux, confie Juliano Arapari, prestataire d’excursions touristiques sur Moorea. Normalement, quand tu es dans le chenal, c’est limité à 5 nœuds, mais on voit des bateaux qui ne respectent pas la limitation sur le plan d’eau. Aussi nous n’avons pas de limite pour les nageurs. Donc quand ils traversent le chenal, ils se mettent en danger. »
Du côté du PGEM de Moorea, des discussions sont en cours, avec un objectif : la protection de toutes les personnes qui fréquentent ce lieu.
« L’avantage de Taahiamanu, c’est un lieu accessible à tous, indique Alain Druet, vice-président du PGEM de Moorea. A la population locale et à la population de passage. Mais la cohabitation voiliers, prestataires de service qui passent des fois à des vitesses excessives il faut le reconnaître, un balisage pas très bien marqué, un lieu de baignade pas bien délimité, fait qu’on peut encore s’attendre à différents accidents comme le triste accident que nous venons d’avoir. »
En effet, lundi dernier, un autre drame s’est produit à Patae, près du port de Vaiare. Une touriste autrichienne a été percutée par une embarcation. Transportée à l’hôpital de Afareaitu, ses jours ne sont pas en danger.
En attendant des travaux, la population est appelée à rester très prudente.
TAHITI INFO - Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mardi 8 Septembre 2020 à 18:53
Tahiti, le 8 septembre 2020 - La famille d'Eddie, le jeune adolescent mortellement percuté par un bateau à Tahiamanu à Moorea en août dernier, a décidé d'offrir une partie des dons récoltés pour son fils à des jeunes musiciens polynésiens, à travers le Conservatoire artistique de la Polynésie française (CAPF).
La famille du jeune Eddie, décédé à Moorea le 9 août dernier percuté par un bateau à Tahiamanu, a rencontré le directeur du Conservatoire artistique, Fabien Dinard, vendredi dernier. Les proches du jeune homme ont visité l'établissement et ont surtout découvert tous les cours proposés aux artistes en herbe du fenua. Mais cette visite avait un autre but. En effet, en souvenir de l'amour que portait Eddie pour la musique, la famille du jeune a décidé d'aider de jeunes musiciens, en leur offrant des cours au Conservatoire ou en leur achetant des instruments de musique, grâce aux nombreux dons reçus pour permettre le rapatriement du corps du jeune homme.
Rappelons en effet que lorsque ce drame est survenu, la famille de l'adolescent avait lancé une campagne de financement pour rapatrier Eddie au Royaume-Uni. "Malheureusement, nous n'étions pas couverts pour de telles dépenses. Alors nous avons lancé une campagne de financement sur Internet. Et en quelques heures, nous avons rassemblé tout l'argent dont nous avions besoin et plus encore". La famille a donc décidé de créer un fonds de bienfaisance intitulé Eddie Jarman Young Musicians Trust Fund pour les jeunes musiciens.
"Nous avons voulu étendre ce don aux jeunes de la Polynésie, car c'est là qu'Eddie a passé les neuf derniers mois de sa vie, qui ont été des moments très heureux, même lors du confinement", explique la mère du jeune homme, Barbara. "Nous voulons garder un lien avec le pays où Eddie était le plus heureux et où il est mort". La famille du jeune Eddie compte essayer de financer les études de deux à quatre jeunes musiciens sur du "long terme" au Conservatoire. Et pour ce faire, elle a décidé de continuer à collecter des fonds, auprès notamment de la communauté musicale du Royaume-Uni mais aussi à l'international. Elle a même mis en place une autre campagne de financement : www.justgiving / crowdfunding / eddie-jarman. Et par ailleurs, les proches d'Eddie comptent mettre aux enchères les instruments du jeune homme ainsi que ses enregistrements piano et violon pour participer à cette cagnotte.
"C'est un très beau geste de financer des études artistiques d'un enfant ou de plusieurs enfants, considérant ce qui s'est passé pour cette famille", a réagi Fabien Dinard. "J'aurais pensé qu'ils auraient eu un mauvais souvenir de notre pays. Finalement le geste est très fort envers les enfants de la Polynésie". Le directeur du Conservatoire explique que cette aide va être destinée à la fois aux enfants les moins favorisés et aux plus méritants. "Que cela soit des études musicales, de danse ou même de théâtre. On va identifier quelques enfants. Mais maintenant, on doit avoir des échanges avec la famille surtout pour savoir quelles sont les disciplines qu'elle aimerait soutenir"
Autre projet que la famille d'Eddie aimerait voir sortir de terre, la mise en place d'une pierre commémorative, à Tahiamanu, lieu de l'accident, en souvenir de leur fils. "Nous espérons que le mémorial va sensibiliser tous ceux qui utilisent le lagon à être plus réfléchis et plus respectueux (…).Un court moment de plaisir dû à un excès de vitesse peut entraîner un accident tragique", assure la mère de l'adolescent. À travers cette stèle, la famille espère qu'une réglementation fera son apparition. Quant au souhait du tāvana de Moorea d'interdire le mouillage des voiliers à Tahiamanu, la famille concède que cette décision n'a pas dû être facile, mais trouve que cette annonce est mal venue une semaine après l'accident. "Cela nous a semblé malheureusement comme une tentative de rendre les voiliers responsables de ce qui s'est passé, et ce n'est clairement pas juste".
La famille considère qu'une enquête "appropriée et approfondie" aurait dû être menée pour déterminer les responsabilités de chacun. La mère d'Eddie affirme que beaucoup de questions restent encore en suspens et que cette interdiction de mouillage est "une décision précipitée (…). Comment l'interdiction des voiliers pourra résoudre le problème des bateaux à grande vitesse et des jet-skis qui s'approchent de la plage?". La famille endeuillée rappelle d'ailleurs que "'l'argent des voiliers' va directement à la communauté (…), contrairement au cas des grands hôtels où les dépenses ne sont pas toujours distribuées à la population locale."
Une dramatique accident survient le 9 août 2020 à Moorea. Un jeune garçon, qui vit sur un voilier et se baigne à proximité, est tué par un bateau à moteur passant à vive allure. En réaction, les autorités... décident de chasser les voiliers du mouillage le plus populaire de l'île ! Explication d'une hérésie.
23 août 2020 - Par William Wallace - Blog : Le blog de William Wallace - BLOG MEDIAPART
Tahiti, Bora Bora, Moorea, ces noms vous font rêver ? Si vous avez le désir d’y séjourner, alors préparez vous à une cruelle désillusion.
La réalité, depuis quelques années, est bien différente de l’image que tout un chacun conserve de ces îles jadis paradisiaques : circulation effrénée, bouchons interminables aux heures de pointe à Papeete, mendiants omniprésents au centre ville, pollution sans équivalent des paquebots de croisière, piètre qualité de la nourriture importée, coût de la vie exorbitant, délinquance et trafic de drogue, vente d’alcool réglementée en fin de semaine en raison des innombrables rixes et violences, taux record de violences conjugales, chiens errants faméliques à tous les coins de rue, tel est le quotidien d’un tahitien lambda.
Où sont passées les vahinés au corps de rêve et au sourire enjôleur qui venaient jouer du ukulélé sur la plage pour souhaiter la bienvenue aux arrivants ? Elles ont disparu depuis longtemps. 70% de la population est en surpoids et près de 50% au stade de l’obésité.
Qu’importe, rétorquent ceux qui considèrent que l’attrait principal de ces îles, précisément, réside dans le fait que ce sont des îles. Il faut y aller en bateau et s’offrir une croisière de rêve, affirment ceux qui croient encore au mythe polynésien.
Seulement, ça, c’était avant... Avant qu’une incompréhensible vague de haine anti-voiliers déferle sur les rivages de Tahiti et des 117 autres îles de l’archipel polynésien. Que s’est-il donc passé pour que les voiliers soient désormais jugés indésirables un peu partout, et essentiellement dans les mouillages les plus prisés ? Qu’est ce qui explique ce rejet de plus en plus marqué de ces voyageurs atypiques, qui, le plus souvent, ont tout abandonné pour vivre une vie en dehors de sentiers battus sur leur coque de noix ?
Retour en arrière...
2016-2017. La Polynésie française s’étend sur un territoire vaste comme l’Europe. Pourtant, en dépit de cette immensité, les comportements, à Fakarava aux Tuamotu, ou à Bora-Bora aux îles de la Société, sont les mêmes.
Fakarava : immense atoll au cœur de l’archipel des Tuamotu, classé "réserve de biosphère" par l’Unesco. Un paradis pour les plongeurs et les voiliers, qui ont l’habitude d’aller mouiller près de la passe sud, aux "sables roses". A l’écart des habitations, des plongeurs, et des pensions de famille qui accueillent les touristes.
Mais les sables roses, c’est "la" curiosité de Fakarava, que les prestataires de services touristiques font découvrir lors de leurs excursions. Or, selon eux, les voiliers gênent, ils gâchent la vue. Il faut les chasser. S’est on posé la question de savoir si les touristes, eux, n’apprécient pas de voir un beau voilier à l’ancre dans ce décor de carte postale ? Non... A-t-on demandé leur avis à ceux qu’on allait déloger ? Non plus...
Alors, avec une mauvaise foi qui dépasse l’entendement, et sous prétexte de préserver l’environnement, on interdit le mouillage sur les sables roses, et on oblige les voiliers à aller mouiller de l’autre côté de la passe, au beau milieu des patates de corail ! Une hérésie.
Un voilier doit en effet si possible jeter son ancre sur fond de sable. Elle y est plus efficace, donc la sécurité est assurée. Et surtout, elle n’abîme rien. Au milieu des patates de corail, l’ancre et la chaîne font des dégâts considérables sur l'écosystème. Mais les touristes peuvent désormais faire leurs photos de rêve sans qu’un voilier traîne dans un coin du cliché. Les prestataires sont satisfaits. Les coraux beaucoup moins. L’Unesco pas davantage.
2018-2019. Bora Bora. Le nom fait rêver la planète entière. Les célébrités s’y bousculent, l’hôtellerie de luxe y est florissante. Enfin, en théorie. En pratique, la concurrence acharnée entre les grands hôtels fait rage, et les faillites se succèdent aussi vite que les reprises et les rénovations. Bora Bora, c’est le haut du panier. L’élite. L’inaccessible. Depuis des décennies, les voiliers y jetaient leur ancre sans problème, et sans qu’il y ait le moindre incident avec les riverains. Un plaisancier témoigne. "J’étais arrivé depuis quelques jours, et je me trouvais à une manifestation culturelle. Le hasard me met en présence de la femme du maire, charmante. Nous devisons, quand je lui apprends que je suis venu avec mon voilier. Glaciale, elle me lance qu’elle déteste les bateaux. Je lui demande pourquoi. Elle me répond qu’elle vit au bord de l’eau (évidemment, sur ces îles minuscules, tout le monde vit au bord de l’eau) et que les voiliers... lui gâchent la vue ! Je crois à une plaisanterie. Il n’en est rien."
En effet, quelques semaines plus tard, le mouillage devant chez elle, jusqu’alors prisé, sera définitivement interdit. Quelques mois plus tard, une société privée héritera du monopole de gérer des corps morts partout dans le lagon. Il est interdit de mouiller sur son ancre, et payer un corps mort devient obligatoire, alors que le lagon fait 78 km2...! Les voiliers s’indignent, car la majeure partie du lagon est éloignée des habitations, donc ils ne gênent personne, et ne créent aucune nuisance. Pire, quelques semaines après l’installation desdits corps morts, l’un d’eux cède alors qu’un catamaran américain est amarré dessus. Le bateau finit encastré sur un ponton d’hôtel proche. Les dégâts sont considérables, pour l’hôtel mais surtout pour le bateau. La société qui gère, exploite et entretient les corps morts décline toute responsabilité. La mairie ne veut pas en entendre parler... Malgré cela, les voiliers qui, par souci de sécurité, refusent de s’amarrer sur ces corps morts inadaptés font l’objet de menaces !
2020. Moorea. Un américain jette l’ancre de son catamaran sur la côte ouest de l’île. Fan de kite surf, il veut seulement profiter de l’endroit et kiter un peu. Il est également handicapé. À peine est-il arrivé qu’une patrouille de la police municipale lui demande de déguerpir. Soucieux de ne pas créer d’ennuis, il s’exécute. Il demande tout de même les raisons de cette injonction. "C’est X qui nous a appelé, il en a marre d’avoir des voiliers devant chez lui." En effet X habite "tout près" : à 800 mètres de là ! De quel droit exige-t-il l’expulsion du voilier ? Mystère... En vertu de quoi la police municipale s’immisce dans ce litige privé ? Mystère...
Mais le summum de la haine anti-voiliers est atteint ces jours-ci. Le 9 août 2020, un jeune garçon d’une famille de plaisanciers anglais vivant sur un voilier est déchiqueté par un bateau à moteur tandis qu’il faisait du snorkeling, à proximité de la plage de Ta’ahiamanu, le mouillage le plus populaire de l’île. Le Parquet ouvre une information.
Les plaisanciers, endeuillés, sont terriblement attristés par cet accident dramatique. Depuis 4 ans, l’Association des Voiliers de Polynésie (AVP) demandait aux autorités de baliser un chenal afin que les bateaux à moteur (le plus souvent des prestataires) contournent le mouillage, au lieu de passer en plein milieu à des vitesses souvent excessives.
Ainsi les prestataires pouvaient continuer leur activité, et les plaisanciers, comme les baigneurs de la plage toute proche, étaient en sécurité. À la faveur de ce drame, l’AVP imaginait naïvement qu’elle allait enfin être entendue.
Coup de tonnerre quelques jours plus tard : les autorités, sous l’impulsion du maire de Moorea fraîchement réélu, décident... d’interdire le mouillage aux voiliers et de les chasser ! Un arrêté en ce sens est attendu sous peu. Incroyable : ce sont les victimes qui sont punies ! Les parents du jeune défunt expriment leur indignation.
Voilà... En quelques années, les voiliers sont devenus indésirables un peu partout en Polynésie. Vols, insultes, altercations, on ne leur laisse aucun répit. La Polynésie vit essentiellement du tourisme. Les voiliers sont donc une manne inespérée pour toutes les îles, en particulier en cette période troublée par le Covid-19.
Jusqu’alors, la durée d’admission temporaire (la période durant laquelle un bateau français peut séjourner en Polynésie sans payer de taxes) était de trois ans. On imaginait si ce n’est un assouplissement, du moins un statu quo, puisque les touristes sont tenus à l’écart des îles pour des raisons sanitaires, ce qui constitue un manque à gagner considérable.
Que nenni ! La durée d’admission temporaire vient d’être raccourcie à deux ans. La Polynésie réduit la durée de séjour des touristes à la voile alors que ce secteur économique est sinistré. Une logique un peu déconcertante...
Qu'est-ce qui explique cette chasse aux voiliers ? Les critiques vont bon train :
Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. Quand on veut chasser les voiliers, on les rend responsables de tous les maux possibles et imaginables.
Une attitude discriminatoire, pour ne pas dire raciste, qui va bien évidemment à l’encontre des intérêts de la Polynésie comme de ceux des plaisanciers.
On observe un fait rarissime : pour la première fois, la presse nautique internationale recommande aux voiliers de ne pas aller en Polynésie ! Cruising Word, le prestigieux magazine américain, recommande aux navigateurs à la bannière étoilée d’éviter ces îles, précisant que celles-ci "envoient un message fort selon lequel la présence des plaisanciers n’est plus souhaitée", rappelant en outre des incidents survenus à Huahine et une manifestation locale hostile aux voiliers. La même recommandation est faite par Voiles & Voiliers aux plaisanciers.
Les besoins de ces derniers sont pourtant pléthoriques, ils sont en attente de marinas, de quais de débarquement pour les annexes, de chantiers navals, de réparateurs, de mécaniciens, de voileries, de pièces détachées, autant de postes pouvant générer une importante activité économique, des emplois, dont la Polynésie a cruellement besoin.
Un plaisancier témoigne : "cela fait des années que je tente d’ouvrir un chantier naval à Tahiti ou Moorea. Chaque fois que je trouve un terrain, et que je propose des solutions, je me heurte à des refus systématiques. Je ne comprends pas."
Pourtant Tahiti-Infos écrit en 2018 à propos des super yachts : "300 à 400 visiteurs, 1 milliard XPF à l’économie locale, 3 millions XPF de retombées économiques moyenne par visiteur." Soit au total 2,5 milliards XPF. Pour les plaisanciers à la voile, c’est 1,5 milliard XPF qui tombe dans l’escarcelle de la Polynésie. Malgré un manque criant d’infrastructures d’accueil. Le syndicat des activités nautiques de Polynésie française déclare qu’un travail est en cours "pour accueillir toujours mieux les usagers locaux et internationaux des lagons".
C’est sans doute pour cela qu’on va interdire aux voiliers de mouiller à Ta’ahiamanu...!
A propos du manque de moyens et d’offres de service aux voiliers qui permettraient pourtant de générer une activité économique considérable, le syndicat indique : "certains ont été réalisés, d’autres le seront dans les prochaines années. Il nous semble important d’encourager la création de micro-services aux yachts dans les autres îles, afin de limiter le temps de séjour de ces bateaux sur Tahiti."
Un beau discours théorique, mais en pratique, les voiliers se heurtent à une hostilité croissante, des mesures qui tendent à les empêcher de mouiller dans les endroits adaptés, et pire encore, ils vont prochainement être sanctionnés alors qu’ils viennent de perdre l’un des leurs dans des circonstances dramatiques.
Un accident survenu précisément parce que les mesures de prudence préconisées depuis des années par les voiliers eux-mêmes ont été superbement ignorées par les responsables.
Bref, un peu partout en Polynésie désormais, les voiliers sont jugés indésirables. Cet étonnant repli sur soi de ces îles traditionnellement dépeintes comme hospitalières et accueillantes interpelle.
Effets indirects de la crise du Covid-19 ? Résurgence d’un racisme ordinaire aussi infondé que condamnable ? Réveil de velléités indépendantistes ?
Quelles que soient les motivations des adversaires toujours plus nombreux des voiliers, et leurs justifications écologico-sécuritaires, il est navrant de constater que des êtres humains sont incapables de vivre en harmonie dans des endroits qui ont pourtant tous les atouts pour être de véritables paradis sur terre.
Les terriens entendent imposer des contraintes parfaitement injustifiées aux marins. Et les marins devraient les subir sans sourciller ? Imaginons un instant que, pris d’une brutale frénésie d’avoir eux aussi toutes leurs aspirations satisfaites, les marins, soudainement investis du pouvoir de réglementer, décident de faire raser les maisons qui se trouvent devant l’endroit où ils ont jeté leur ancre, sous prétexte que ça leur gâche la vue, et qu’ils préfèrent une nature vierge de tout occupant... On leur rirait au nez, bien sûr...
Et pourtant, l’inverse devrait être accepté ?
Un touriste de passage, navigateur à l’occasion, résume bien la situation : "la Polynésie, c’est tellement loin, tellement cher, si c’est pour être accueilli de cette façon, plus jamais... il y a bien d’autres pays dans le monde tout aussi beaux et beaucoup moins onéreux, où je n’aurai pas le sentiment comme ici d’être indésirable. C’est détestable..."
Bref, en frappant d’ostracisme les voiliers, la Polynésie est en train de scier consciencieusement la branche sur laquelle elle est assise. Son image à travers le monde est ternie, sa réputation de terre d’accueil est écornée, et elle se prive de ressources considérables dont elle a pourtant grand besoin compte tenu de l’impact de la crise sanitaire.
Les voiliers ne sont pas les ennemis des terriens, et n’aspirent qu’à la paix et la tranquillité, de même que les terriens n’ont pas à se faire les ennemis des voiliers sous des prétextes fallacieux.
Faire la chasse aux voiliers comme jadis le maccarthysme a fait la chasse aux sorcières est vain et n’apportera rien à personne.
Les responsables politiques vont-ils continuer sur cette voie sans issue, ou bien corriger le tir, et enfin comprendre qu’il y a de la place pour tout le monde dans les lagons, pour autant que chacun fasse preuve d’un peu de tolérance, de compréhension et d’humanité ?
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