Ça y est ... c'est officiel, puisque que paru dans les journaux et notamment sur le site de Radio1 ("Escales", le téléservice des navires en Polynésie). La Direction Polynésienne des Affaires Maritimes commence à mettre en place son "portail de réservation unique et obligatoire" pour tous les bateaux qui entreront dans les eaux polynésiennes.
En gros, un voilier se trouvant au Panama devra donc s'inscrire sur le site et réserver les mouillages qu'il souhaite faire en Polynésie française ! Cela signifie réserver des dates : le 4 de tel mois je serai à Nuku Hiva, le 18 je serai à Ua Pou, le 14 du mois d’après je serai à Makemo, le 31 je serai à Rangiroa, le ... etc etc ...
Il faudra planifier tout cela sachant que le voilier se trouve encore 8 177 km ... à vol d'oiseau ! et qu'il reste une énorme partie du Pacifique à traverser avec des aléas météorologiques et techniques non négligeables !
Quand cette remarque a été faite au Cluster Maritime lors de la présentation du pré-projet, il nous a été répondu : « Quand un touriste part d’Europe pour venir en Polynésie, il s’assure d’abord d’avoir une chambre d’hôtel ! Pour les voiliers, c’est pareil ! »
La mise en place d’un tel dispositif pour les plaisanciers est donc ubuesque.
L’idée de la DPAM est de pouvoir savoir, à tout moment, où se trouve chaque voilier par une régulation de tous les mouillages ? Il est vrai qu’à l’heure actuelle, pas une seule entité administrative ou autre est capable de dire le nombre de voiliers de plaisance dans les eaux polynésiennes.
Mais cela semble aller plus loin : la DPAM veut tout contrôler en privatisant un espace publique !
Que cela soit régulé, certes, l’AVP n’y voit pas d’inconvénients bien au contraire d’ailleurs … MAIS il est nécessaire que cela soit en concertation avec tous les protagonistes, en premier lieu les plaisanciers qui vont être les premiers impactés par ces mesures. D’autant plus que ce sont les plus à même de présenter les particularités qu’impliquent leur mode de vie … afin d’éviter des décisions qui ne pourront pas s’appliquer. *
Les exemples sont flagrants. La DPAM a commencé à réglementer les mouillages à Raiatea, l’AVP demande des informations : « OK, c’est prêt, on vous tiendra informé ! ». Même chose à Fakarava pour la déclaration du projet de gestion des mouillages : « Les arrêtés sont prêts. On vous concertera. »
L’illustration « d’être devant le fait accompli » ne peut pas être meilleure !
Au vu des quelques échos et bruits de couloir, il ne paraît pas hautain de se poser clairement la question de savoir comment tous ces corps-morts vont être posés, gérés et entretenus. En effet, pour cela, il va falloir trouver des gestionnaires … sérieux, serions nous tentés de dire. L’exemple de Bora Bora ne semble pas aller dans ce sens. Les assurances américaines ne laisseront pas les voiliers assurés chez eux se mettre sur des corps-morts sans certitude sur leur entretien.
Le projet a le mérite de poser clairement une réflexion nécessaire sur l’« augmentation du trafic maritime ». Certes. Mais attention à ne pas mettre en place une réflexion unilatérale, ou presque, et à l’imposer par la suite car le projet ne pourra pas s’adapter à la plaisance tel quel. Ou alors si, mais c’est par conséquent la disparition de la plaisance en Polynésie qui serait envisagée. Est-il raisonnable de se priver d’une manne financière en ces temps difficiles ?
Le bon sens est désarçonnant. Ceux qui y sont allergiques ont toujours un peu de « Je fais ce que je veux » sur eux. L’ambition de la concertation se doit d’être visée. Ce n’est qu’à ce prix que le bon sens pourra l’emporter.
* Remarquons que la Commune de Moorea a enfin ouvert ses portes à une éventuelle concertation avec les plaisanciers pour le prochain PGEM. C’est une avancée, nous les remercions et espérons être contactés prochainement.